THE DRUMMER AND THE KEEPER
Réalisateur : Nick Kelly
Date de sortie : 08/09/17
Durée : 1h33
Lieu de visionnage : IMC SANTRY
- NOTE : 8/10 -
Un récit poignant, entre maîtrise
et perte absolue de contrôle
Première expérience cinématographique à Dublin réussie. Tout était réuni : film irlandais d’auteur sur un sujet difficile, je valide, du rock, je plussoie. Alors oui, je n’ai pas choisi la facilité, mais s’il vous plaît, amoureux de blockbusters ne fuyez pas ! Si le long-métrage peut paraître poignant – et il l’est – il nous offre aussi des moments comiques et les six autres personnes (oui, je les ai comptées) présentes dans la salle pourront en témoigner.
The Drummer and the Keeper, écrit et réalisé par Nick Kelly, met en scène l’amitié entre Christopher (Jacob McCarthy) gardien de football diagnostiqué Asperger et Gabriel (Dermot Murphy) batteur souffrant de troubles bipolaires. La psychiatre du Drummer lui prescrit en guise de thérapie la participation à un entraînement de football, où il rencontre le Keeper. Premier échange tendu avec un « Freak » assené. Néanmoins, d’adversaires, les deux jeunes adultes deviendront meilleurs amis. Entre trahisons, sentiment d’être incompris et idées noires, le réalisateur sait saisir sur le vif les émotions fortes ressentis par les deux protagonistes.
Dès les premières images, le ton est donné. Gros plan sur le postérieur nu de Gabriel qui tire un canapé sur une plage pour y mettre le feu. Burlesque, parfois absurde, le comique de situation prend son temps pour s’installer entre deux longs silences. Les conversations entre Christopher et autrui pourront aussi vous régaler :
“-My mother killed herself.
-Awkward.”
“-Do I look like a player football?
-Not regularly.”
“-I don’t have a mental health issue, I have Asperger’s syndrome, YOU have a mental health issue.”
Il s’agit là d’un registre dramatique alternant comique et tragique. Faire rire d’un sujet grave sans s’en moquer, la frontière est fine, mais le scénario et le jeu précis des acteurs qui excellent, rendent cette gageure possible.
Gabriel passe d’un extrême à l’autre. Le feu symbolise la rage qui le consume, mais aussi un certain contrôle pour le jeune homme aux tendances pyromanes. La batterie devient la matérialisation de son exaltation, ainsi que de sa fureur. Triste, effrayé, en colère et honteux, tels sont les mots qu’il utilise pour se décrire. Ce à quoi Christopher lui répond candidement que ce sont là des émotions humaines tout à fait normales.
Le syndrome d’Asperger est une forme légère d’autisme. Cependant, c’est justement grâce à son talent pour la précision, que Christopher va aider le groupe de rock, en installant avant chaque répétition et concert tout le matériel nécessaire. Même s’il n’est pas dans le même monde que la plupart des gens, son monde intérieur est très riche et il crée son propre univers par divers moyens.
La réalisation met en valeur les personnages et leurs singularités. Elle permet de renforcer leur isolement avec un travail sur la profondeur de champ atténuée à son maximum. L’importance des détails, les gros plans sur les parties du corps, permettent de nous faire comprendre ce que ressentent les personnes souffrant de troubles mentaux.
The Drummer and the keeper est aussi un film esthétiquement jubilatoire. Le cinéaste met en avant la dualité des personnages. La caméra aura tendance à être portée à l’épaule pour retranscrire l’énergie de Gabriel, tandis qu’elle sera plutôt fixe lorsqu’il s’agira de Christopher. L’atmosphère est très épurée. Ma mise en scène préférée est celle devant un tag noir et blanc où un rythme lent pose le cadre comme un tableau parfaitement travaillé.
“Rock’n Roll is supposed to be out of control.”
Je ne vais pas faire une ode au genre du rock, mais cher Nick Kelly, si mes yeux vous disent merci, mes oreilles vous sont aussi reconnaissantes. Quels solos de batterie ! L’énergie mise par Dermot Murchy dans ces scènes m’a tout simplement époustouflée. Le mixage sonore était aussi très travaillé. On passe par différents points de vue et la musique permet des transitions intéressantes entre deux scènes. La chanson Nothing arrived des Villagers fut une belle découverte.
The Drummer and the keeper, c’est touchant, c’est intense, c’est bouleversant. C’est le rejet de toute étiquette qui pourrait définir et emprisonner, mais c’est aussi la recherche de son identité et de sa place en tant que jeune adulte. Alors j’espère qu’après avoir lu cet article, vous foncerez en salle voir ce film et qu’il y aura plus de 6 spectateurs !
Si vous souhaitez en apprendre plus sur le syndrome d’Asperger, je vous recommande fortement la série Atypical sur Netflix, ainsi que le livre "Le bizarre incident du chien pendant la nuit" de Mark Haddon.