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LA FOLIE KUBRICKIENNE


« Il n’y a aucun doute qu’il serait agréable de voir un peu de folie dans les films, au moins ils seraient intéressants à regarder.

Chez moi, la folie est très contrôlée ! »

Stanley Kubrick

Cette semaine cher lecteurs, le Mag revêt son plus beau costume d’Halloween pour vous livrer plein de tips pour vos soirées. Dans un précédent article, je vous donnais une playlist de films à regarder entre amis. Aujourd’hui nous allons analyser l’un d’entre eux : Shining, en parallèle avec Orange Mécanique (dont vous pourriez vous inspirer pour votre costume !).

 

QUI EST STANLEY KUBRICK ?


Stanley Kubrick est l’un des plus grands réalisateurs du XXe siècle, si ce n’est le plus grand pour certains. Ses films avant-gardistes traversés par la folie s’évertuent à représenter les dysfonctionnements de la société et ils ont souvent créé des polémiques.


Point bio :

Kubrick est un New-Yorkais. Il a été photographe pendant 5 ans pour le magazine Look. C’est un vrai autodidacte. En 1949, il réalise un premier documentaire de neuf minutes, c’est le prolongement d’un dossier photo qu’il avait consacré à un boxer. Dès le début, il s’intéresse au mouvement, à la violence et son cinéma est très photographique. Il a toujours tenu la caméra principale et a monté tous ses films lui-même.

 

Orange Mécanique

sort en 1971 et est inspiré du roman d’Anthony Burgess. Le film se passe dans un futur proche où règne la violence dans une société décadente. Alex est un jeune chef de gang sadique. Après son emprisonnement, des psychanalystes l'emploient comme cobaye dans des expériences destinées à étouffer la criminalité. Avec ce film, Kubrick est menacé de mort en Angleterre, il retire alors le film de la circulation.

 


Shining

sort en 1980 et est inspiré d’un roman de Stephen King. Jack Torrance est le gardien d’un hôtel fermé en hiver, où il va vivre avec sa femme et son fils qui possède un don de médium et a peur d’aller dans ce lieu.

 

L’entropie futuriste d’Orange Mécanique.


« Orange Mécanique est une satire sociale traitant de la question de savoir si la psychologie comportementale et le conditionnement psychologique sont de nouvelles armes dangereuses pouvant être utilisées par un gouvernement totalitaire » (Kubrick)


Dans le film d’anticipation Orange Mécanique, il s’agit d’une société anglaise futuriste, dans les années 80, où règne le chaos. Les méthodes d’intégration des adolescents sont inefficaces. Kubrick dénonce la politique et reconnaît qu'il fait des comparaisons dans le film entre la droite et la gauche. Il estime qu'il y a peu de différences entre les deux. La conclusion ironique montre l’échec de la méthode de guérison : l’individu retrouve sa nature profonde.


La musique classique est utilisée en étant modifiée grâce à l’instrument révolutionnaire qu’était le synthétiseur à l’époque, afin de donner un côté pop et une atmosphère étrange et inquiétante. Voix-off et musique s’alternent subtilement en étant le prolongement de l’esprit d’Alex.


Les objets de l’époque sont aussi délirants. En pleine vague de design pop et du tout-plastique, Kubrick offre ainsi un condensé du dernier cri en matière de design avant-gardiste.


La schizophrénie labyrinthique de Shining


Shining est un huis-clos qui se déroule dans un hôtel. Les couloirs interminables font écho à la personnalité de Jack Torrance qui est torturé par les lieux. De longs travellings, comme lors de la scène de poursuite, sont aussi symboliques et suivent les destins des protagonistes vers la folie. L’allégorie du labyrinthe fait référence à cet esprit fou et complexe.


Les grandes pièces isolent les personnages et ce vide crée un malaise et une situation étouffante. Lorsque Jack Torrance joue avec une balle dans ces immensités, c’est son propre esprit qui divague. Le miroir est le reflet des hallucinations, il permet de matérialiser la vie intérieure de Jack et est le témoin de sa perte de réalité. Il est ainsi le reflet d’une âme torturée.


Les gros plans sur les visages révèlent le supplice psychologique et permettent de transmettre des émotions. La scène finale fait ainsi un gros plan sur Jack totalement fou : bouche ouverte, yeux inexpressifs, regard vague, on est loin désormais de ce qu’il représentait à son arrivée. La métamorphose a donc été totale.


L’échec des personnages


Kubrick considère les hommes comme faillibles. Il veut faire un compte-rendu de la nature humaine et ses personnages ne sont pas admirables. Il s’intéresse plus à l’humanité qu’à l’héroïsme. Ses anti-héros sont souvent menés vers un échec inéluctable, comme prisonniers de leur Moi profond ou d’un cadre social.


Dans Shining, Jack Torrance n’arrive pas à gérer sa vie professionnelle avec sa famille qui peut apparaître responsable de sa perte de contrôle. Il va alors finir par tenter de les assassiner.


Dans "Orange mécanique", la structure familiale est aussi un échec, puisque que les parents n’ont pas d’autorité.


« Ce que l’univers a de plus terrifiant, ce n’est pas qu’il soit hostile mais indifférent. Quelle que soit l’immensité de l’obscurité qui nous entoure, nous devons apporter notre propre lumière ». (Kubrick)


Cet art avant-gardiste universel renouvelle des thèmes passés et entreprend d’établir des visions futuristes. L’approche de Kubrick pour représenter ce monde en dérive semble appartenir à la philosophie nihiliste et résonne toujours à l’aune de notre époque. Néanmoins, nous pouvons nuancer ce propos en s’appuyant sur le constat du philosophe et professeur de cinéma Sam Azulys, en disant que Kubrick est plus qu’un simple nihiliste. Il ne cherche pas à nous décourager, ni à nous mentir. Certes, son cinéma est sombre, mais c’est parce que son diagnostic sur l’humanité l’est. La violence permet d’amener une critique riche. Son pessimisme apparent est en réalité synonyme de lucidité.




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