Une entrée charnelle dans l’âme humaine.
Petit-fils de celui qu’on ne présente plus, Lucian Freud est un peintre contemporain (1922-2011), connu pour être l’un des grands peintres réalistes du XXe siècle. Pour une durée de cinq ans (2016-2021), 50 de ses œuvres ont été sont prêtées à l’Irish Museum of Modern Art. À cette occasion, le musée à l’architecture inspirée des Invalides a fait le choix d’exposer des créations différentes tous les ans, formant ainsi chaque année une nouvelle histoire qui nous en dit un peu plus sur l’artiste. Celle qui est en cours a démarré le 21 octobre, elle est visible jusqu’au 7 janvier 2018.
Si les peintures de Lucian Freud prennent effectivement pour objet des êtres existants, elles ne m’ont pas semblées réalistes pour autant. Les visages et les corps paraissent déformés, mutilés presque, abîmés. On admire le travail assidu de la chair, granuleuse par tout le relief qui lui est donné, et formée par une multitude de teintes pastels allant de l’orangé au bleu violacé, du rouge pêche au jaune livide, le tout sous un aspect grisaillant général.
à vif, le sang et les nerfs presque apparents, la chair de Freud a quelque chose de morbide ; ces corps semblent malades, atteints de la maladie de vivre.
Ils nous repoussent tant ils nous terrifient, et pourtant, ils ont quelque chose de vulnérable qui les rend inextricablement humains. Les observer de la sorte, c’est d’une impudeur sans nom, la représentation est d’une crudité obscène, mais ils sont si proches de nous à la fois.
Le regard vague, flouté, ces personnages cadrés de manière inhabituelle, soumis au regard qu’on sent intense de l’artiste, ont quelque chose d’irréel. Ils semblent suspendus dans un ailleurs, un autre espace-temps ; le néant de notre condition profonde peut-être.
En allant voir cette exposition, je me suis demandé quelle place pouvait occuper une peinture dite « réaliste » aujourd’hui, où toute forme de réel est transmissible par un nombre varié de médias numériques accessibles à tous. En voyant d’abord les portraits de Freud, ces créatures si étranges au monde ne m’ont pas paru réalistes pour un sou. Et puis, en les regardant de plus près, en les fixant, ces figures terribles, il m’a semblé que les sujets étaient capturés dans toute l’horreur de leur réalité. Ce détour par la chair exacerbée, par l’abjection si humaine, c’est là le vrai réalisme des peintures de l’artiste.
Le petit plus : Les autoportraits du peintre sont des sosies de notre nationalement aimé Jean Reno… Ça vaut le coup d’y jeter un œil !
Photos : Marc O'Sullivan et Denis Mortell
Royal Hospital Kilmainham, Military Rd, Kilmainham,
Dublin 8
Tues- Frid : 11h30 to 17h30
Saturday : 10h to 17h30
Sunday : 12h00 to 17h30